Parcours
Récit de Jean-Paul
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Date:

Décembre 2000

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En l'an 1974, j'avais 20 ans. Trouver la paix était ma priorité parce que ça cognait dur. Une fissure en moi avait commencé à poindre vers l'âge de 17 ans. Une forme de mélancolie lancinante assortie de révolte. C'est quoi la vie? Le monde qui m'entourait me paraissait morne, sans joie et sans but valable. Si j'étais né au Brésil, au Sénégal ou en Thaïlande, mes perceptions auraient peut-être été différentes. Bon je suis né en Belgique. Je ne veux pas critiquer mon pays natal. Je dois quand même constater qu'après avoir séjourné dans des pays tropicaux, un tas souffrances liées en partie à l'environnement n'auraient peut-être pas surgi dans un autre environnement où les gens sont plus chaleureux, plus simples, plus joyeux et spontanés. J'aurais probablement connu d'autres problèmes dans ces pays, surtout d'ordre matériel. Mais les blessures du cœur ne sont elles pas plus pénibles? (on reconnaît là l'occidental qui chiale parce qu'il a bobo).

Donc je vois débarquer un jeune hindou qui proclame "je vais vous montrer la connaissance de toutes les connaissances". Intéressant. Puis il dit "donnez moi votre vie et je vous donnerai la paix". Je tique un peu mais finalement, je n'avais rien à perdre. Pourquoi ne pas essayer? Je ne pouvais pas continuer à me défoncer indéfiniment. Il fallait bien un terme à mon désespoir. Donc je reçois l'accès au royaume des cieux. J'arrête de délirer, devient comme il faut et vais au satsang puis rentre à l'ashram au bout de 3 mois. J'ai une sorte de famille. Un peu calmé le coco. J'apprends plein de choses, merci le guru. Je vis des moments agréables. Mes rapports avec les gens normaux ne s'améliorent pas beaucoup. Je fais partie des illuminés sur le chemin de la réalisation. Après quelques mois, Dettmers m'envoie à Paris pour que je grandisse dans l'expérience et que je me forme chez Dimitri et sa clique. Il avait des grands plans pour moi en Belgique pour la suite. A Bruxelles, on formait finalement une bonne bande de copains. Certains sont encore mes amis actuellement.

J'arrive à Paris. J'étais complètement hors sujet. Les boss de la mission y vont de leurs grandes incantations qui me laissent de marbre. On me reproche de ne pas comprendre et de ne pas faire d'effort. Je me demande ce que je fous là. En plus, j'ai laissé ma petite amie à Bruxelles et ma mère me manque. On me dit qu'il faut couper toutes le relations avec ce monde. Trop, c'est trop. Je commence à brosser les satsangs et lis Proust dans mon dortoir. Au bout de 3 mois, je craque et m'en vais en me faisant bien engueuler. Je quitte l'abris du gourou. Je détourne un peu de pognon de la mission divine pour rentrer en Belgique et vivre 2 ou 3 semaines (je crois que c'est le seul vol de ma vie). J'ai probablement volé des bonbons quand j'étais petit. Je parle ici de péché capital. Voler le guru. C'est vraiment le monde à l'envers J'avais cependant pas le choix. Quand tu les quittes, tu te retrouves dans la rue sans un balle. T'es un moins que rien. Tu leur fais pitié.

Réprobation générale. Que vais je devenir dans ce monde? Damnation sur moi. Il y avait un type qui s'appelait Bernard (il s'occupait de nourriture). C'est le seul avec qui j'ai pu avoir un contact humain. Il y avait aussi une petite sympa dont j'ai oublié le nom. Et aussi un autre, avec un humour noir. Il s'est engueulé une fois avec Marc le facho caporal de mes bottes. Je l'avais pris en sympathie.

Je prends le petit train, soulagé d'avoir quitté cette bande de névrosés. Je suis quand même refroidi sur la mission de Maharaji. C'était donc ça le plan divin! Ben c'est probablement moi qui étais dans mon mental. C'est ce qu'ils ont essayé de me faire croire.

Ensuite, je décompresse un peu. Puis pendant quelques années, j'investis à nouveau dans satsang service et machin. Je ne sais pas si je deviens plus heureux. Je deviens plutôt un peu facho. Pas pour longtemps, rassurez vous. C'était une crise passagère. Je fais en quelque sorte un ultime effort pour voir si ça marche vraiment. Je teste le truc dans ses derniers retranchements. Puis d'autres aspirations s'élèvent en moi. Je commence à écouter mes sentiments et fais tout ce que j'ai envie. Je réalise que je suis assez bloqué. J'entreprends des voyages vers des pays lointains et inconnus. Quelle bénédiction. Découvrir tous ces peuples. Je médite néanmoins régulièrement et je me sens détendu. Quand je vais faire dodo, mon esprit et mon cœur ronronnent. Par contre, les discours de Maharaji m'ennuient , parfois un peu moins. Parfois il arrive à me faire vibrer pendant 2 minutes. Lors de ses crescendos oratoires qui maintenant me font rigoler. Bon, je ne crois plus vraiment dans son truc de dédication, participation. Là nous devons être en 1989-90. Ses théories me semblent inconsistantes. Le chemin n'en est pas un. J'apprends plus au contact de la vie réelle. Depuis le début des années 90, je m'en tiens à 2 ou 3 vidéos par an, principalement pour voir les amis. Ceux qui le suivent sont endoctrinés dans un système de croyance. Cette fameuse croyance dans le statut du gourou et de sa grâce. Cela ne mène nulle part. Il n'y a pas d'épanouissement. Je vais encore à un festival à Rome et à Paris . Maharaji ne répond plus à mes aspirations. La vie est ailleurs. Les instructeurs m'emmerdent royalement. Cela devient de plus en plus flagrant. Ils me semblent complètement programmés, paranos et déconnectés de la vie. C'est trop étriqué pour moi. Quand je médite, il se passe de belles choses. Pour le reste, cela ne m'intéresse plus. Je traîne encore de solides blocages. Bon on vit avec et on essaie de comprendre.

Quand je vois les autres qui sont encore à fond dans la dédication, ils ne me paraissent pas évoluer. J'ai l'impression qu'ils ont tous une névrose à régler. Ce n'est d'ailleurs pas les symptômes qui manquent. Je les aime bien pourtant. En fait, ce sont les gens en général qui m'inspirent. Il y a plein de gens super partout. Il n'y a qu'à ouvrir les yeux.

Ensuite, je passe pas mal d'années assez heureux, assez loin de cette histoire. Dès que je peux, je file sous les tropiques. C'est ma nouvelle maison. Rien que l'évocation de ces pays lointains et j'ai des frissons tout partout.

Quand je reviens, il y a des premies qui me demandent si Maharaji ne me manque pas. Je reste interloqué et me retrouve à 10.000 kilomètres. J'essaie de vivre au maximum de mes capacités. Pas de famille mais beaucoup d'histoires d'amour.

Et puis un beau jour de 1997 (enfin plutôt sinistre mémoire), peu après une séparation, une grande angoisse me tombe dessus. C'est la panique. Je ne me reconnais plus. Souffrance totale dans la tête, le cœur et le corps. Bonjour la dépression. Comment ce truc peut il m'arriver? Je croyais pourtant que j'étais en paix. J'étais devenu spontané. J'essaye de méditer pour calmer le bazar mais rien n'y fait. Deux ans et demi. Angoisses puis tristesse sans raison. C'est normal d'être triste ou angoissé quand il y a une raison valable. Mais quand cela vous tombe dessus sans raison, c'est horrible. Plusieurs fois cela a tourné en panique. Perdu comme je ne l'avais jamais été. Parfois quand même un peu de repos mental. Mais la tension restait là constamment. Mon potentiel n'arrivait plus à s'exprimer. Normalement, je suis un rigolo plein d'humour. J'avais une gueule jusque par terre. J'arrête le piano, ne joue plus au tennis, ne voyage plus. Les copains m'aident. Je suis pris en charge par une tribu de femmes africaines (que Dieu les bénisse), quelle chance j'ai eu. Les premies ne comprennent rien à mon histoire. Ils me conseillent d'aller écouter des vidéos. J'essaye, c'est encore pis. Obligé de prendre régulièrement des anxiolytiques pour tenir le coup. Mais en même temps j'apprends sur moi-même et les autres. Je deviens plus humain et moins arrogant. Moi qui me croyais devenu invulnérable, je suis terrassé par des phénomènes dont je n'ai plus le contrôle. Je consulte quelques psy. Entre ces angoisses, j'avais parfois des moments de joie néanmoins. Deux polarités en moi. Je passe de l'enfer au paradis. Je téléphone à un psy parce que j'étais en enfer. Quand j'arrive chez lui, je suis dans une période à l'aise, je me sens bien. Ils n'y comprennent plus rien. Inconsciemment, le message de Maharaji laissait des traces. La paix est en vous. Alors pourquoi cette souffrance? J'avais refoulé un tas de trucs. Maharaji n'a jamais parlé de ces côtés sombres de l'esprit ni des problèmes affectifs et des mécanismes de défense pour se protéger des émotions. Le problème est que ces mécanismes de défense nous coupent de nos émotions et nous empêchent de vivre pleinement. Maharaji est un apprenti sorcier. Si vous avez des problèmes, dédiez vous. C'est dangereux parce qu'un jour cela peut nous retomber dessus. Il attire les gens sur un chemin incertain sur lequel il ne maîtrise rien. Sans ténèbres nettoyées, comment peut on se stabiliser dans la lumière? (c'est une image). Il n'y a pas de fondation. Si les premies disjonctent, il s'en fout. Il n'a rien du maître spirituel. Arrêtez de vous laisser impressionner et d'espérer quoi que ce soit de lui.

Bon, j'avais un copain qui avait été premie et qui était arrivé devant un mur. Il a tout envoyé promener. Lorsqu'on lui a demandé du fric pour offrir une ferrari à Maharaji, ça été la goutte de trop. Il m'a dit plusieurs fois: tu dois comprendre la source de ta souffrance. Et alors? Où c'est que ca se passe? Je n'accroche pas. Puis un jour, je l'écoute.

Il me montre l'attitude correcte pour avoir un regard sur moi-même via la méditation. Je vais chez lui et pour la première fois je regarde en face tous mes démons, sans refouler et sans chercher la paix, en restant sagement concentré. C'est la révélation, je lui fais pranam (pour rire). Depuis ce jour, j'ai à nouveau médité sérieusement. Je n'ai pratiquement plus jamais utilisé les techniques de Maharaji.

J'ai appris les techniques de base de la méditation bouddhiste. J'écoute des profs bouddhistes de différents pays. Génial. Plus de guru, de promesses démesurées, d'endoctrinement, de pouvoir supérieur, de racket financier et de refoulement. Plutôt une introduction à une profonde compréhension de l'esprit humain et le sentiment d'être responsable et relié aux autres. Un joli cocktail de psychologie et de spiritualité. Une découverte quasi scientifique sans dogme. J'arrive petit à petit à identifier tous les phénomènes qui m'ont perturbé. Ces grands tigres de papier, quand vous voyez leur nature, ils perdent de leur pouvoir. Cela devient un jeu. Les nuages fondent petit à petit comme l'oiseau fait son nid. Quelques rayons de paix et d'amour. Que cela fait du bien! La bataille n'est pas terminée, mais à présent elle a un sens. Et une des grandes victoires, c'est que les blocages émotionnels et les tensions annexes que j'avais traînés si longtemps ont en grande partie disparu. Pourquoi? Parce que les mécanismes de défense ont sauté et je me suis réconcilié avec une partie de moi- même que je refoulais sans cesse. J'ai affronté la peur. CQFD. J'ai dû payer le prix d'une dépression pour cela. Maintenant, je ne me sens plus coincé comme avant. Je respire. Ma vieille peau devait éclater pour que l'énergie se libère et la douleur est sortie. Les enseignements bouddhistes sont venus à point nommé pour canaliser tout cela. Je crois avoir gagné du temps.

Maintenant, le nettoyage de l'inconscient, cela veut dire quelque chose pour moi.

Finalement c'est quelque chose de naturel et qui n'est pas le monopole du bouddhisme. D'ailleurs, je ne me sens pas bouddhiste, cela ne veut rien dire. Mais je suis reconnaissant que cela m'a aidé à sortir de l'enfer. Je continue à utiliser et approfondir les bons filons que j'ai découverts.

Je n'ai plus pris d'anxiolytiques depuis lors. Mes angoisses et tristesses irrationnelles ont pratiquement disparu. Si des émotions douloureuses reviennent, je les accueille et les regarde sans m'énerver. Puis elles passent et on se sent frais, dégagé. Elles sont parfois un peu la matière première pour avancer. Mes aspirations sont restées les mêmes. Je veux connaître, sortir de mon ornière, voir comment je fonctionne et je veux comprendre et aimer les autres et m'éclater dans la vie. Vivre, quoi et grandir. Je ne suis pas si différent que quand j'avais 20 ans. Peut être que l'étoile n'est pas si inaccessible comme le disait mon compatriote. Ca commence là, tous les jours. Les gens sont différents. C'est mon histoire que j'ai racontée brièvement. Il n'y a pas de règle générale. Pour moi, c'est un nouveau départ mais je pense avec un esprit et un cœur un peu plus large.

En écrivant cela, j'ai les larmes aux yeux (snif snif). Je ne regrette rien et je vous souhaite à tous d'être heureux.

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